- spleenétique
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⇒SPLEENÉTIQUE, SPLÉNÉTIQUE, adj.Vx ou littér.A. — [En parlant d'une chose concr. ou abstr.]1. Qui inspire le spleen. Sous la coupole spleenétique du ciel, les pieds plongés dans la poussière d'un sol aussi désolé que ce ciel (BAUDEL., Poèmes prose, 1867, p. 31). Baroques et spleenétiques couleurs, le noir et le tango, dont l'apparition dans la décoration moderne marque la fin des temps heureux, sont partout à la mode (CARCO, Nostalgie Paris, 1941, p. 71).2. Qui traduit le spleen. Air spleenétique. Je soulevai avec lenteur mes yeux spleenétiques, cernés d'un grand cercle bleuâtre (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 182). Ce nonchalant renoncement de son être (...) et ce manque d'appétence pour quoi que ce soit au monde, se traduisaient par une sensation particulière, propre à l'ennui noir, intense, splénétique: elle voyait gris (E. DE GONCOURT, Faustin, 1882, p. 172).B. — [En parlant d'une pers.] Atteint par le spleen. Synon. cafardeux, dépressif, mélancolique. Est-ce que tu deviens spleenétique, hypocondriaque? — Il est vrai que le mois de mai, le mois des âpres mélancolies, s'approche (AMIEL, Journal, 1866, p. 267). La figure nerveusement tirée, trahissant une noire tristesse sous la tenue correcte d'un vieux gentleman splénétique (GONCOURT, Journal, 1886, p. 599).— Empl. subst., rare. Il y avait beaucoup de spleenétiques en Angleterre, vers 1830. Il y a beaucoup de neurasthéniques en France, vers 1930 (J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 136).REM. 1. Spleenitique, subst., vx ou littér., synon. de spleenétique, splénétique. Nous sommes en train de constater ce symptôme, (...) de l'abandon, de la part même des Spleenitiques par excellence, (...) de l'abandon, dis-je, par les Anglais, (...) des vieilles formules romantiques (VERLAINE, Œuvres posth., t. 3, Prose, 1896, p. 191). 2. Spleenique, adj., vx. ou littér., synon. a) [Corresp. à supra A] Toujours la longue nuit spleenique et solitaire (LAFORGUE, Poés., 1887, p. 200). N'étaient les sentiments spleeniques insurmontables que son jardinet [de Mme Renoncule] m'inspire, je la visiterais souvent (LOTI, Mme Chrys., 1887, p. 180). b) [Corresp. à supra B] Le problème de l'homme de lettres, du poëte, et de sa situation dans la société: c'est de là que naquirent les Consultations de son Docteur noir [de Vigny] auprès du spleenique et vaporeux Stello (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 6, 1864, p. 423). Empl. subst., rare. Les spleeniques se recrutent surtout chez les psychasthéniques constitutionnels et dans toutes les classes de la société, l'éternel « à quoi bon vivre » est constamment devant leurs yeux et les amène souvent à un suicide bien préparé (POROT 1975).Prononc. et Orth.:[splinetik], [splenetik]. Orth. spléné- (GATTEL 1841, BESCH. 1845, LITTRÉ, ROB., Lar. Lang. fr.), spleené- (ROB., Lar. Lang. fr.). Spleené- conserve l'orth. de spleen, à la différence de l'angl. splenetic. Étymol. et Hist. A. 1. a)1429 [date du ms.] adj. splenetique « qui a la rate dure ou obstruée » (MARTIN DE SAINT-GILLE, Les Amphorismes Ypocras, éd. G. Lafeuille, VI, 43, p. 94); b) XVe s. subst. « celui qui est malade de la rate » (Antidotaire Nicolas, ms. Bibl. Nat. fr., 14827, éd. P. Dorveaux, p. 104); 1478 (Grande chirurgie de Guy de Chauliac, trad. par Nicolas Paris, f° 157 ds SIGURS, p. 321); 2. 1429 adj. « de la rate, qui concerne la rate » (MARTIN DE SAINT-GILLE, op. cit., 48, p. 95). B. 1. a) 1750 subst. splénetique « celui qui est dans l'état de mélancolie appelé spleen » (en Angleterre) (PRÉV., s.v. splénique); 1879 spleenétique (E. DE GONCOURT, Préface ds E. BERGERAT, Théophile Gautier, p. IV); b) 1776 adj. splénétique « qui est dans l'état de mélancolie appelé spleen » (Journal anglais, II, 416 ds BONN., p. 140); 1836 spleenétique (SAND, Corresp., t. 2, p. 32); 2. 1836 adj. « triste, qui porte à la mélancolie, qui donne le spleen » temps spleenétique (BARB. D'AUREV., Memor. 1, p. 38). A empr. au lat. tardif spleneticus, -a, -um, dér. de splen, -nis « rate ». B empr. à l'angl. splenetic, de même orig. que A, att. dep. le XVIe s. aux sens de A et dep. fin XVIe s.-déb. XVIIe s. aux différents sens et empl. de B (NED). La forme spleenétique est une réfection fr. sur spleen. Fréq. abs. littér.:20. Bbg. DARM. 1877, p. 183. — MAT. Louis-Philippe 1951, p. 82 (s.v. spleenique). — QUEM. DDL t. 33 (s.v. spleenique).ÉTYM. 1860, Ed. et J. de Goncourt, Journal, 4 mars; splénétique, 1776; splénetique, 1750; de spleen, d'après splenetique « splénique » (XIVe), lat. spleneticus, du grec splên, splênos « rate ». → Splén-, splénique.❖1 Adj. Vx ou littér. Relatif au spleen, qui exprime le spleen. || Des couleurs spleenétiques (→ Tango, cit. 3).1 (…) sous la coupole spleenétique du ciel, les pieds plongés dans la poussière d'un sol aussi désolé que ce ciel (…)Baudelaire, le Spleen de Paris, VI.2 (…) je soulevai avec lenteur mes yeux spleenétiques, cernés d'un grand cercle bleuâtre (…)Lautréamont, les Chants de Maldoror, II.3 (…) une constellation de lieux fort dissemblables mais chacun à peu près étiquetable, depuis les brillantes stations que hantaient des richards spleenétiques et des découronnés menant une vie hors de ses gonds plus encore que dévergondée, jusqu'aux Sibéries réservées à ceux qui ne se conduisent pas comme le voudraient les gens en place (…)Michel Leiris, Frêle bruit, p. 58.4 Nous qui ne sommes à nous deux qu'un isolé, un spleenétique, un névropathe.Ed. et J. de Goncourt, Journal, t. II, p. 150 (1864).5 (…) il n'avait jamais pris le temps de raisonner son horreur de vivre. Il dérivait sur le travail cet instinct (…) Et la vie, qui sait utiliser toutes choses pour son triomphe final, tirait de ce splénétique un rendement propre à décourager les plus allègres mécaniques humaines.J.-R. Bloch, Et compagnie, p. 106.
Encyclopédie Universelle. 2012.